Les autorités locales et régionales mobilisées pour la Conférence Internationale sur le Financement du Développement

A l'occasion d’un dialogue interactif (hearings) organisée par l'Assemblée générale des Nations Unies avec la société civile et le secteur privé dans le cadre de la préparation de la 3ème Conférence Internationale sur le Financement du développement (FfD3), la Global Taskforce de Gouvernements Locaux et Régionaux a organisé le 10 avril une session spéciale consacrée à la « mobilisation des finances locales pour la mise en œuvre de l’agenda post-2015 ». Elle a également pu s’exprimer le 8 avril lors de la 1ère session officielle.

Le dialogue a été ouvert le 8 avril en présence du Président en fonctions de l’Assemblée Générale, Nicholas Emiliou, Ambassadeur de Chypre, et du Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ainsi que des représentants de la société civile et du secteur privé. Dans son intervention, le Secrétaire Général des Nations Unies a souligné que le résultat de la «…Conférence d'Addis-Abeba sera cruciale pour s'assurer d'un programme post-2015 ambitieux et plus tard cette année d'un accord global sur le changement climatique 

Le Maire de Rabat (Maroc) et trésorier de CGLU, Fatallah Oualalou, a rappelé lors de son intervention dans la première table ronde consacrée au financement des infrastructures, que les gouvernements locaux jouent un rôle de premier ordre dans le développement économique et social de leurs territoires, et qu’une partie importante des investissements nécessaires à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD) relèvent de leurs compétences. Cependant, la faiblesse des systèmes de financement local freine leur potentiel d’intervention, et l’approfondissement de la décentralisation financière constitue donc un enjeu majeur du développement. A cet égard, la communauté internationale doit intégrer les problématiques de financement local dans les réflexions qu’elle mène en vue des importantes conférences à venir.

La session spéciale du 10 avril organisée par la Global Taskforce avec le soutien de la Représentation Permanente Française aux Nations Unies, s’est ouverte avec les interventions de l’Ambassadeur français François Delattre, qui a souligné que  « si les villes sont un acteur clef du développement durable, nous souhaitons (…) que la Conférence d’Addis Abeba leur fasse toute la place qu’elles méritent ». L’Ambassadeur de Norvège Geir Pedersen, co-facilitateur du processus de la FfD3, a pour sa part rappelé l’ampleur des défis de l’urbanisation et des investissements nécessaires pour y faire face. Juwang Zhu, Directeur de la division Administration Publique, qui est intervenu au nom de l’Assistant du Secrétaire Général d’UNDESA, Lenni Montiel, a salué les recommandations de la Global Taskforce et rappelé que « … sur les 17 objectifs prévus dans les ODD, tous sauf un, ont besoin d’actions et financement au niveau local ». 

Pour ouvrir le débat, Paul Smoke de l’Université de New York a présenté ses observations sur le Zero Draft, le projet de déclaration pour Addis-Abeba. « Ce projet , a-t-il dit, fait dans le paragraphe 36 un pas en avant dans la reconnaissance des gouvernements locaux, mais c’est insuffisant. Sans une réelle décentralisation des financements, la réalisation des ODD sera impossible. »

En présence d’une cinquantaine de représentants des États Membres, des agences de Nations Unies, de la société civile et du secteur privé, le débat s’est ensuite poursuivie autour de deux tables rondes : la mobilisation des ressources endogènes des territoires (i) et l’accès aux financements de long terme (ii). Lors de la première table ronde, modérée par Christian Dupuy, Maire de Suresnes (France), le Maire de Rabat s’est également référé au Zero Draft et, s’appuyant sur l’exemple marocain de répartition de la TVA, a insisté sur la nécessité de promouvoir un meilleur partage des ressources entre les niveaux nationaux et locaux et de renforcer la fiscalité locale. Abede Zeluel, du Ministère du développement urbain d’Éthiopie a présenté leurs expériences dans la gestion du foncier après les réformes de décentralisation du début des années 2000, qui ont permis de multiplier les ressources locales et de mieux contrôler le développement urbain. En réaction à ces interventions, Jérémie Daussin-Charpantier, de l’Agence Française de Développement, a souligné la nécessité d’élargir les stratégies et outils de financement accessibles aux villes (banques locales, agences spécialisées, emprunts, etc) et d’accompagner le renforcement de capacités des gouvernements locaux. Aniket Shah, UN Sustainable Development Network Solutions (UNSDSN) a clôturé cette session en appelant à bâtir des mécanismes de suivi des financements des gouvernements infranationaux, notamment de leur solvabilité (creditworthiness). Il a également rappelé qu’au regard des tendances passées, des réformes importantes sont nécessaires pour favoriser l’investissement privé dans les infrastructures de base des pays en développement. 

La deuxième table ronde a été modérée par Barbara Samuels, directrice du Global Clearinghouse for Development Finance,  qui a présenté des expériences de mobilisation de financements privé dans l’investissement local dans les pays émergents, et souligné la nécessité de renforcer les capacités des gouvernements locaux et de créer des mécanismes mieux adaptés pour leur permettre d’accéder au marché. Mohammed Benahmed, du Fonds d’Équipement Communale du Maroc, a présenté l’expérience de son institution dans le financement des villes marocaines, alliant assistance technique et mobilisation de financements à travers l’intermédiation bancaire. Khady Dia Sarr, directrice du projet de financement de la ville de Dakar (Sénégal), a présenté un des premiers montages réalisés par une ville d’Afrique de l’Ouest pour lever des fonds sur les marchés financiers. Pour commenter ces interventions, David Jackson du Fond d’Équipement des Nations Unies (UNCDF) a présenté leur expérience dans la mobilisation des fonds publics et privés en Afrique (pool funding) pour financer des petites infrastructures et services des villes ; tandis que Tove Maria RydingEurodad, a souligné que l’accroissement des ressources domestiques nécessite en premier lieux un meilleur contrôle de l’évasion fiscale des grandes entreprises, qui dans certains pays peut dépasser l’Aide Publique au Développement. Par rapport au partenariat public-privé, elle a également insisté sur la nécessité d’un secteur public fort, capable de veiller à la qualité et à l’accès de tous les secteurs de la population aux services publics et aux infrastructures.

Pour conclure la session, Philip McPhee (Bahamas), Vice-Président du Commonwealth Local Governments Forum et Président de l’Association de Gouvernements Locaux du Caraïbe, a présenté les recommandations de la Global Taskforce aux États et à la communauté internationale pour la Conférence FfD3.

  1. Promouvoir la décentralisation financière et un partage approprié des ressources nationales entre les différents niveaux de gouvernement afin soutenir les investissements dans des services de base et des infrastructures résilientes.
  2. Mettre en œuvre un cadre institutionnel favorable aux gouvernements infranationaux afin de leur assurer les pouvoirs et les capacités appropriées pour gérer le développement local / urbain.
  3. Développer des politiques de renforcement des capacités et des instruments financiers pour permettre aux gouvernements infranationaux d’accéder au financement à long terme à travers une gamme d'options adaptées aux différents types de gouvernements locaux  et aussi le développement de différentes modalités de partenariats public-privé.
  4. S’assurer que l’aide publique au développement atteint les niveaux locaux (localiser l’APD) ; développer au niveau des institutions financières internationales des mécanismes innovants pour soutenir les gouvernements infranationaux dans les pays en développement afin de les aider à la réalisation des ODD au niveau local.
  5. Améliorer l'accès des gouvernements infranationaux à des données locales et le suivi des flux d’investissements internationaux dans les infrastructures et les services locaux et dans le développement des capacités des gouvernements infranationaux.

Source: Global Taskforce de Gouvernements Locaux et Régionaux